It's been a long time

Lennox ∞ Sybil

« Que son âme repose en paix. » Je me tenais devant le cercueil de mon père le jour de ses funérailles. Ses amis étaient là, les gens qu’il connaissait depuis des années. Ils étaient tous là pour lui dire une dernière fois au revoir. Pour moi c’était la troisième fois que j’enterrais un membre de ma famille. Après ma mère et mon frère, mon père allait les rejoindre. J’étais la seule qui restait de notre famille, je n’avais plus personne. Plus de parents, plus de frère. Je n’avais même pas eu la chance de revoir mon père avant qu’il ne meure. J’avais toujours eu de ses nouvelles durant ces deux dernières années où j’étais partie. Mais je ne l’aurais pas revu.

Le prêtre finissait sa célébration, tous s’avançait pour bénir le cercueil et me présenter leur condoléances. Je me serais bien passé de leur regard triste et empli de pitié. Je serais les mains sans répondre, sans écouter. Je devais affronter cette épreuve seule, personne n’était là pour me soutenir. La foule finit par se dissiper, les gens partaient. Chez moi, enfin dans la maison familiale, la cuisine devait être remplie de nourriture. Manger n’aide pas, enfin pas vraiment. Depuis que j’étais rentrée je n’arrêtais cependant pas de faire des muffins au chocolat, ma réponse au stress comme d’habitude. J’étais en Australie quand l’hôpital avait appelé pour dire que mon père avait été retrouvé mort dans son sommeil, il n’avait pas souffert. J’aimais à croire qu’il était dans un meilleur monde auprès de ma mère et de mon frère. Là-haut ils étaient réunis.

Les gens étaient partis depuis longtemps, ils n’avaient pas encore mis le cercueil en terre. Je me tenais toujours là immobile. J’étais incapable de bouger. Il y avait tellement de choses que j’aurais aimé lui dire, mais c’était trop tard. J’étais entièrement vêtue de noir comme le voulait la tradition, j’avais mis des lunettes de soleil pour dissimuler mes larmes. Comme j’aurais aimé que tout ca ne soit qu’un mauvais rêve. Si seulement j’avais fait les choses différemment Lennox serait à mes côtés.

Mes cheveux volaient au vent, je fixais cette boite en bois, je n’arrivais pas à dire au revoir. C’était trop difficile. J’entendis alors un bruit derrière moi, je me tournais. Mon cœur fit un bond dans ma poitrine, c’était Lennox, il était là. Mon cœur battait à la chamade, je l’aimais de tout mon cœur malgré mon absence… J’avais été si bête. Il s’approcha de moi sans rien dire. Qu’est-ce qu’on pouvait bien dire dans ce genre de situation de toute façon… Je soupirais avant de le regarder une seconde. « Je suis sure qu’il aurait préféré qu’on fasse la fête plutôt que de se morfondre. » Mon père était comme ca. « Au moins il est avec eux maintenant, ils sont réunis dans un monde meilleur. » Et moi j’étais là seule.

It's been a long time

Lennox ∞ Sybil

« Papa, j'ai pas sommeil. » J'ouvrais péniblement les yeux à la voix d'Aria qui se tenait à quelques mètres de mon lit, devant la porte de ma chambre. Je posais mon regard sur mon téléphone qui affichait deux heures et demie du matin avant de lui faire signe de venir me rejoindre dans mon lit. Alors que la petite accourait avec son doudou en ma direction, je lui arrangeais une place à mes côtés. « Viens par là. » Aria grimpa sur le lit et se blottit contre moi alors que j'allumais la télé pour mettre une rediffusion d'Alice aux pays des merveilles. Ma main surmontait la tête d'Aria, qui était déjà absorbée par le film, jouant avec ses petites mèches blondes. Ses problèmes d'insomnie venaient principalement du fait qu'on avait perdu le père de Sybil deux jours plus tôt suite à une crise cardiaque. Malgré le départ de sa mère, je m'étais toujours assurée qu'elle passe du temps avec son grand-père maternel, c'était un homme doté d'une sagesse et d'une diplomatie sans pareil. La nouvelle sur son décès fut également assez dure à accepter pour moi également.
Elle finit par s'endormir deux heures plus tard, m'assurant qu'elle dormait profondément, je me chargeais de fermer l'écran, avant de disposer Aria confortablement sur le lit en lui plaçant un oreiller sous la tête et une couverture. Je la contemplais un petit moment avant de m'endormir à mon tour. Réveillé aux alentours de neuf heures du matin, après un passage dans la salle de bain, je filais en cuisine préparer le petit-déjeuner pour Aria. Depuis l'annonce du décès de mon beau-père, je me suis accordé quelques jours à la maison sans boulot. Être encore plus présent pour la petite me rendait moins inquiet. Après avoir préparé des pancakes aux myrtilles, ceux qu'adore la petite, je me chargeais de réveiller Aria, qui insista à faire sa toilette toute seule et choisir ses vêtements. La veille je lui avais expliqué que j'allais la déposer chez Phoebe parce qu'il fallait que j'aille à l'enterrement de mon beau-père. J’avais enfilé entre temps un costume noir, bien coupé ainsi qu’une cravate de la même couleur et une chemise blanche. Une fois tous les deux prêts, je m’empressa de mettre Aria dans la voiture et toute la panoplie de livres et jouets qui trainait avec elle puis la déposa chez Phoebe. J’allais etre en retard pour l’enterrement, et avec tout ce qui s’était passé cette semaine, j’avais oublié l’éventualité que Sybil pourrait être en ville. Tout en conduisant vers le cimetière, mon cœur battait déjà d’un rythme plus accéléré. Il n’y avait plus personne, mis a part une silhouette féminine que je reconnaitrais parmi mille. Je m’avançais doucement vers elle, elle était de dos face au cercueil fermé perché au dessus du trou. Lorsqu’elle se retourna, je voyais très bien qu’elle était bouleversé, j’avais oublié soudainement toute cette rancœur que j’avais pour elle, et m’avança a ses côtés. Elle avait pris la parole rapidement, tout en fixant le cercueil, j’acquiesçais de la tete en ajoutant « Je n’en doute pas une seconde, ton père était un bon vivant » Cette fois-ci je me retourna pour la fixer du regard.

It's been a long time

Lennox ∞ Sybil

Partir était compliqué mais revenir l’était encore plus. Plusieurs fois j’avais failli revenir durant ces deux dernières années, mais je n’avais pas pu. J’avais eu trop peur de faire face à tous ceux que j’avais laissé derrière moi. J’avais honte aussi. Même si ce départ avait été essentiel pour moi, je n’aurais pas pu continuer à vivre de la sorte, je regrettais de ne pas être rentrée plus tôt. Affronter Lennox, c’était trop dur. Je me rendais bien compte que j’avais du le décevoir et peut-être, surement lui faire beaucoup de mal. Et il y avait Aria, mon bébé, ma fille. Elle était ce que j’avais de plus précieux et elle m’avait manqué horriblement, plus que tout. Je les aimais tous les deux de tout mon cœur. Lennox était l’amour de ma vie je le savais, je n’étais pas partie parce que je ne l’aimais pas non. J’étais jeune, perdue, je ne pouvais pas continuer…

Mais aujourd’hui la vie avait fini par me rattraper, ou plutôt la mort. Je n’arrivais toujours pas à réaliser que mon père n’était plus là. Il était encore jeune et en pleine santé, et pourtant il nous avait quitté. J’étais dévastée, il était la seule famille qui me restait. J’avais déjà perdue ma mère, puis mon frère. Et maintenant ils étaient tous les trois dans un endroit meilleur, réunis.

Beaucoup de monde était venu pour les funérailles, il était apprécié. Ses amis lui avait rendu un dernier hommage. J’avais vu cette pitié et cet étonnement dans leurs yeux à ma vue. Oui j’étais revenue. Et cette fois-ci je ne repartirais pas. J’étais bien décidée à tout recommencer. Mon père m’avait léguée la librairie, j’avais sa maison. L’épreuve la plus difficile serait de récupérer ma fille et mon mari…Je le savais, ils mettraient l’un comme l’autre du temps à me pardonner, si jamais ils venaient à me pardonner.

Ils étaient tous partis, j’étais seule face au cercueil de mon père. Je finis par sentir une présence à mes côtés. Sans le voir je savais que c’était lui, Lennox. En le voyant alors je réalisais à quel point il m’avait manqué, et comment mon cœur battait en sa présence. Mon père n’aurait pas aimé qu’on le pleure longtemps. Ce que mon cher mari acquiesça en disant que c’était un bon vivant. Je sentis alors son regard sur moi, ma peau brulait sous ses yeux. Je levais la tête et croisais son regard bleu. Je ne savais pas quoi dire, qu’est-ce qu’on pouvait bien dire dans ce genre de situation de toute façon. « C’est gentil d’être venu… » Je savais que malgré mon départ Lennox avait continué à voir mon père, ce dernier me l’avait dit. Il devait tellement m’en vouloir, j’avais envie de le serrer dans mes bras, de sentir sa chaleur, son odeur, mais il devait me détester. « Je suis heureuse de te voir, tu as l’air d’aller bien… » Je ne savais pas quoi dire, j’avais peur de ce qu’il pourrait me dire. Mais je lui posais la question qui me brulait les lèvres. « Comment va Aria ? » Je savais bien que je n’avais aucun droit de lui demander ca…