CADEN&ELIANA † get that rhythm right.

get that rhythm right.

Trainant dans ma grande maison sans aucun but précis, je ne cessais de soupirer face à l’ennui qui prenait possession de mon corps petit à petit. Je me dirigeais vers ma chambre, me jetais sur mon lit et me tournais, retournais, me levais, regardais par la fenêtre, repris le chemin du couloir bref, une horreur. Je comptais passer ma soirée à arpenter chaque pièce, frôlant les murs tel un fantôme errant dans ses lieux vides et si calmes. Jamais je ne m’étais sentie aussi seule. Je ne pouvais pas rester ici à me morfondre toute la soirée. Après un instant de réflexion, je repartie en direction de ma chambre, me rendis dans mon dressing et sortis la moitié du contenu de celui-ci dans le but de trouver LA tenue idéale pour ce soir. J’essayais robe sur robe, voyant un défilé de couleurs se présenter à moi. Finalement, j’optais pour une robe blanche qui mettait en valeur mes yeux et dessinait mes courbes jusqu’à retomber légèrement sur mes cuisses. Cette dernière possédait un col rond, basique et laissait la majorité de mon dos à découvert. De nouveau, l’hésitation s’empara de moi mais, je ne cédai pas à la tentation de me poser devant la télévision avec un gros pot de glace à la vanille non, au lieu de cela, je marchais jusqu’à la salle de bain et m’occuper de mon maquillage, avant de redessiner mes boucles à l’aide d’un fer puis, j’allais à la recherche de chaussures au rez-de-chaussée. Les essayages furent moindres puisque je me contentai d’une paire d’escarpins noirs assortis à la pochette que j’avais choisie pour m’accompagner à cette petite soirée improvisée. C’est dans le hall d’entrée que je croisai Niko suivi de très près par Isasha. Tous deux me dévisagèrent comme s’ils venaient d’avoir à faire à un zombie. Je soupirais d’un air désespéré avant de leur laisser la maison. Finalement, j’avais bien fait de sortir. Je n’avais pas envie d’avoir mon frère et ses chers amis sur le dos, je préférais faire la fête de mon côté. Enfin, faire la fête, c’était un bien grand mot puisqu’en réalité, une fois gardée sur le parking et rentrée à l’intérieur, je vis les choses d’une toute autre manière. Je ne savais vraiment pas quoi faire. Je me dirigeais au bar et commandais un cocktail histoire de bien commencer la soirée et de réussir à m’amuser un minimum.

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« Caden bouge toi. Tout le monde nous attends. » Je virevoltais dans mon appartement quand la voix d’un vieux copain parvint jusqu’à moi. J’étais rarement à l’heure et je détestais que l’on me presse. Je préférais vivre minute par minute, sans aucune contrainte. Pourtant, je ne le contredis pas et accélérais la cadence, j’aurais perdu encore plus de temps en tentant de discuter et je n’en avais pas envie. Cette soirée était prévu depuis un bon moment, on devait fêter les vingt-trois ans d’un copain de longue date. Et je n’aimais pas beaucoup les événements prévus depuis longtemps mais pour cela, je pouvais faire une exception. J’enfilais donc jean, chemise et je rejoignais tout le monde en bas de chez moi. Après, nous devions aller boire un coup chez Sacha, qui fêtait donc son anniversaire, nous avons donc traversé la ville en voiture pour nous y rendre.
Arrivés là-bas, il y avait déjà un tas de gens et la musique hurlait à plein poumons dans le petit appartement d’étudiant. L’alcool coulait à flot, la fumée était tellement opaque que je ne pouvais pas voir devant moi à deux mètres et il traînait là-dedans toute sorte de drogues pas très recommandable. Il y a encore quelques temps, ces soirées étaient totalement mon univers, je m’y noyais délicatement comme dans les confidences d’un vieil ami mais à présent, j’avais pris mes distances avec ce monde. Pourtant, sans doute pas suffisamment ce soir-là pour y résister. Je me plongeais donc à nouveau dans un paradis artificiel, une nouvelle dimension. Je revivais intensément, toutes mes sensations étaient décuplées, mais je savais très bien que la chute n’en serait que plus brutale, car j’en avais connu des chutes.
Au bout d’un moment, on a filé en boîte, bien que je ne me souvienne pas exactement de comment ni pour quelle raison. Nous dansions donc, chacun dans notre monde, pensant partager quelque chose. Alors que je plongeais dans la musique, j’aperçus un visage connu. Eliana. La petite soeur d’un de mes copains de lycée qui était malheureusement et tristement décédé dans un accident de voiture. J’avais perdu un ami, et elle avait perdu un frère, ça avait grandement contribué à nous rapprocher. N’écoutant que mon état second, je fonçais droit sur elle. « Salut! » Puis, la regardant de haut en bas: « Mais qu’est-ce que t’es belle! » J’avais toujours été d’une spontanéité et d’une sincérité parfois terrible. Je souris simplement à mes paroles, comme s’il s’agissait d’une découverte. J’étais toujours dans un état second et je pensais à mille choses à la fois, mon cerveau bouillonnait et j’avais besoin de contact, je la serrais donc dans mes bras. « Qu’est ce que tu fais là? Ça me fait plaisir de te voir! » Nous étions familiers, mais il était plus rare que je fasse preuve d'autant de cérémonie à son égard.

get that rhythm right.

Je me demandais encore ce que je faisais là. C’est vrai, j’adorais faire la fête, m’amuser mais, chez des amis, là où je connaissais du monde, dans un endroit où je n’étais pas complètement perdue comme actuellement alors que je venais à peine de mettre les pieds à l’intérieur. J’essayais de me frayer un chemin à travers la foule, m’asseyant sur un tabouret en face du comptoir avant de me faire bousculer par je ne sais quel inconnu qui trainerait dans le coin et danserait sur cette musique qui faisait vibrer mes tympans, m’obligeant à crier ce que je voulais au barman. Cet univers, ce n’était pas tellement le mien. J’étais plus du genre à me réfugier dans ma salle de danse au beau milieu de la nuit, qu’en boîte parmi tous ses ados dévergondés qui ne savaient pas bouger au rythme de la musique. Je soupirais et m’efforçais de sourire aux regards qui croisaient mes yeux. Je sirotais mon cocktail sans trop me mêler aux autres, réfléchissant à la nuit que j’allais passer. Finalement, le fait de rester à la maison avec Niko et Isa, ça n’aurait peut-être pas été si terrible que ça. Au moins, j’aurais eu une véritable conversation avec des gens que j’appréciais ici, la plupart des hommes ne m’inspiraient pas tellement confiance je dois bien le reconnaître. Je me levais et m’apprêtais à quitter cet endroit pour aller traîner je ne sais où lorsqu’une voix me parvint aux oreilles. Un léger sourire se dessina sur mes lèvres alors que je n’avais même pas besoin de me retourner pour savoir qui se tenait derrière moi. Je le fis tout de même et mes yeux croisèrent le regard de Caden. « Salut. » Criais-je au milieu de tout ce brouhaha. Son compliment eut le don de me faire rire mais également de me faire perdre tous mes moyens, comme la plupart du temps lorsque le jeune homme se trouvait dans les parages. « Merci. Et toi, t’es complètement… Bourré ? » Oui c’est vrai après tout, le vrai Caden n’aurait pas dit ça du moins, je ne pense pas. Tout était confus dans ma tête et le fait qu’il me serre dans ses bras ne fit que confirmer mes dires. Il n’était pas dans son assiette. Finalement, peut-être qu’il n’était pas l’heure de partir. C’est vrai, je n’allais pas l’abandonner ici dans cet état. « A vrai dire, je sais pas trop. Je crois que j’étais venue pour me changer les idées, m’amuser mais, tout ça, c’est pas fait pour moi ! » Avouais-je en affichant une légère grimace, déçue par ce début de soirée. Enfin, pas tant que ça puisque maintenant, Caden était là ! C’était le principe non ? « Et toi ? Qu’est-ce que tu fais là ? » Demandais-je à mon tour curieuse de connaître sa réponse.

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Elle rit à mon compliment et ce fut comme une douce musique à mes oreilles. Il y avait beaucoup de bruit à l’intérieur, mais mon état me donnait la superbe faculté de me concentrer essentiellement sur une seule chose et d’oublier complètement le reste. Autour de moi, tout était flou, mais Eliana était bel et bien devant moi et je pouvais discerner chaque trait de son visage, entendre tous les sons qui sortaient de sa bouche et surtout son parfum qui parvenait par effluves jusqu’à mon nez. C’était une sensation de toute beauté. J’étais content de la voir. Elle me remercia et évoqua mon alcoolémie, qui était assez élevé. Je me sentis soudainement un peu coupable, j’étais ainsi devant elle. Je m’étais promis de veiller sur elle, et c’était un des rares projets à long terme que je n’avais jamais fait. Et là, dans cette boîte de nuit, avec ses sons, ses objets et ses odeurs qui me parvenaient, j’avais l’impression que c’était moi, le plus vulnérable de nous deux. Je sentais la culpabilité m’envahir mais je tentais de me rassurer comme je le pouvais: nous n’étions pas venus ensemble, et il s’était simplement trouvé que j’avais déconné. C’était peut-être les joints que j’avais fumé ou les nombreux verres que je m’étais enfilé, ou peut-être était-ce autre chose, je ne me souvenais plus exactement ce que j’avais fait et mes souvenirs s’embrouillaient. « Un peu. » avouais-je alors, un peu gêné.
A ma question, elle me répondit qu’elle était simplement venue pour se changer les idées. Je trouvais ça plutôt courageux de sa part, de venir toute seule ici, au milieu de tous ces gens. Courageux et inconscient. Et même si je prônais pour moi-même la vie à cent à l’heure et la magie de l’instant présent, j’eus presque peur pour elle. Je me sentais redevable envers son grand frère décédé. Réellement et irrévocablement. Mais je sentais aussi que quelque part au fond de moi, j’appréciais vraiment la compagnie d’Eliana qui n’était plus tout à fait la jeune fille à peine sortie de l’adolescence qu’elle était lors de ce tragique évènement. « C’est l’anniversaire de Sacha. On… » Je tâchais de re mobiliser mes souvenirs avec difficulté. « On était chez lui et puis on est venus ici. Je sais pas vraiment pourquoi ni comment mais je suis là. » Je m’arrêtais un instant. « Enfin là n’est pas la question! Tu devrais vraiment faire attention à toi Eliana, je ne sais pas si c’est une très bonne idée de venir ici toute seule, il pourrait t’arriver n’importe quoi. » Tout d’un coup, je reprenais un peu de mes moyens, l’inquiétude que je ressentais aidant. Je ne pus alors m’empêcher de la regarder à nouveau de haut en bas, admirant la tenue qu’elle avait sélectionné avec beaucoup de goût, immédiatement après, je me rappelais ma petite soeur et je me renfrognais, prenant psychologiquement mes distances.
« Tu viens, je t’offre un verre? » Me tenir face à elle devenait de plus en plus embarrassant et j’avais hâte de faire autre chose. Je n’attendais pas sa réponse et l’entraînait par la main pour la conduire au bar. « Un cocktail et un whisky s’il vous plait! » demandais-je au barman, me penchant sur le bar pour me faire entendre. Je me retournais vers Eliana et lui tendais son verre. « A la tienne! » dis-je avec un clin d’oeil. « Et la danse, ça va? » Je connaissais sa passion pour cette discipline et j’espérais ainsi l’inciter à m’entraîner sur la piste.

get that rhythm right.

Le fait est que je connaissais Caden sans doute mieux que personne. D’une part parce qu’on s’était rapprochés après l’accident de mon frère, on partageait tous les deux notre perte et traînait ensemble, c’était un moyen comme un autre de nous rappeler ces personnes qu’on avait tant chéri. Caden ressemblait comme deux gouttes d’eau à Emrys, peut-être pas physiquement mais, il avait la même façon de se comporter et d’agir. D’autre part parce que, je le connaissais plutôt bien étant donné que même si on s’était officiellement prêté attention après l’accident, j’avais eu des infos de la part d’Isasha et puis de mon frère. Oui, depuis mes quatorze ans, j’avais totalement craqué sur le meilleur ami de mon frère et aujourd’hui encore je m’efforçais de le cacher parce que je savais qu’il ne voyait en moi qu’une simple petite sœur à protéger coûte que coûte. C’est d’ailleurs pour cela que je pouvais affirmer qu’il était bel et bien dans un état second à l’heure actuelle et ce, même s’il essayait de reprendre ses esprits par la suite en me faisant la morale après m’avoir expliqué pourquoi il était ici. « Mais je suis plus toute seule maintenant. » Lui rappelais-je alors fièrement. C’est vrai après tout, qu’est-ce qui pouvait bien m’arriver ? Tous les jeunes femmes de mon âge vont en boîte, peut-être pas seules mais, elles y vont et maintenant, il y avait Caden alors, il ne pouvait rien m’arriver. J’avais entièrement confiance en lui et dans tous les cas, je n'étais plus une gamine de deux ans qui avait besoin d'un baby-sitter. Et au passage, en y réfléchissant bien, ce soir, c’était sans doute lui qui avait plus besoin de moi que l’inverse !

Bref, il me proposa un verre et j’acceptai avec enthousiasme, pas simplement pour être polie. « Avec plaisir ! » Il attrapa ma main et ce geste qui était pourtant innocent et totalement banal à cette époque, fit accélérer les battements de mon cœur si bien que je roulais des yeux, priant pour que tout cela cesse. On se retrouva rapidement au bar et, j’attendais mon verre dans le silence, si l’on put dire. Une fois celui-ci en main, je le levais en sa direction : « Santé ! » Et sans réfléchir, c’est cul sec que je le terminais d’ailleurs, je me surpris moi-même. Observant mon verre vide quelques secondes, je me demandais si j’avais fait ça sous le coup de l’impulsion ou seulement si c’était pour me détendre et arrêter d’être nerveuse en compagnie de Caden. Dans les deux cas, je l’avais fait et c’est la voix du jeune homme qui me fit sortir de mes pensées. « Ouais, ça va plutôt bien. Je danse juste cent fois mieux que tous ces gens pour être honnête ! » Avouais-je avec une pointe de prétention en fixant désespérément les gens qui dansaient sur la piste. Je me mis à rire avant de tourner le regard vers le jeune homme en me mordant la lèvre inférieure. « T’as déjà été danser ou tu peux encore me réserver ta première danse ? »

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C’était vrai, j’étais avec elle, elle ne risquait plus grand chose, du moins je l’espérais. Mais il ne fallait pas que je me mette bêtement en danger. En effet, même si j’essayais de me donner une contenance afin qu’elle ne me trouve pas ridicule, la terre tournait étrangement sous mes pieds et je voyais la vie en mille couleurs. Enfin, je me disais que tant que je ne voyais pas noir, je n’étais pas totalement dans un cas désespéré. Au bar, elle avala son verre cul sec et je ris. Peut-être voulait-elle se mettre à mon niveau mais si c’était le cas, il y avait encore du boulot. A ma question sur la danse, elle me répondit qu’elle trouvait en toute honnêteté et en toute modestie, qu’elle était bien meilleure que la plupart des gens qui dansaient ce soir-là. Je trouvais ça admirable, d’être capable de reconnaitre ainsi ses qualités, et il fallait avouer que ce n’était pas difficile d’être meilleurs que ces gens qui dansaient comme des pantins, pensant, grâce à l’alcool, qu’ils dansaient comme des dieux. Je ris alors à nouveau et lui dis: « En même temps, c’est pas bien difficile, regarde le type là-bas qui se croit capable de danser comme un dieu. En fait il est juste ridicule. » J’appuyais mes paroles par un petit geste en direction d’un type de mon âge qui tentait de se frotter au derrière d’une gamine qui semblait être au lycée avec une classe qui laissait sérieusement à désirer.
Elle m’invita alors à danser, bien que j’attendais cela depuis ma petite remarque sur la danse, je me dis intérieurement que j’étais chanceux de ne pas avoir peur du ridicule. Il fallait l’avouer, j’étais bien plus mauvais qu’elle quand il s’agissait de se déhancher en rythme. Pour la première fois depuis bien longtemps, je sentis le rouge me monter aux joues. Pourtant, je pris mon courage à deux mains: « Ce n’est pas ma première danse mais ça serait un honneur d’en partager une avec vous, chère demoiselle. » Et non sans un certain sens théâtral, je me courbais devant elle, manquant de m’enfoncer les dents dans le sol. Me sentant idiot je redressais mon dos tant bien que mal. « Désolé, mon sens de l’équilibre commence à dérailler un peu… » Je m’arrêtais deux minutes pour reprendre mes esprits, et quand le dj de la soirée changea de morceaux, j’entraînais Eliana à ma suite sur la piste. Je l’attrapais par les hanches, déposais ma tête dans son cou et tentais tant bien que mal de balancer en rythme. Je trouvais que je me débrouillais pas trop mal, mais je ne pouvais m’empêcher de penser à cette sensation de puissance que l’on ressent toujours dans ce genre de situations. Les réflexions qui hantaient ma tête me semblaient complètement hors de propos, et je me surprenais moi-même à me poser tant de questions alors que c’était loin d’être dans mes habitudes. Je glissais donc à son oreille: « Ça me fait plaisir que tu sois là, c’est vraiment un bel hasard. » La musique hurlait et j’étais presque obligé de m’égosiller pour me faire entendre. Le contact de son corps contre le mien me transportait et à ce moment précis, je me sentais juste le plus heureux des hommes de cette planète.

get that rhythm right.

Le fait de croiser par hasard Caden ce soir était à mes yeux un signe du destin. C‘est vrai, il y avait combien de chances pour qu’il se retrouve ici alors qu’il fêtait l’anniversaire de l’un de ses amis ? Il aurait pu être n’importe tout mais non, il était ici, avec moi et ce, même s’il n’était pas totalement sobre. Je m’en foutais un peu à vrai dire, le plus important, c’était de passer du temps avec lui. Je terminais mon verre cul sec sans me poser de questions. C’est seulement après que mon geste me parut… Bizarre. J’haussais finalement les épaules, reposant mon verre vide sur le comptoir. Rapidement, nous nous mettions à critiquer les danseurs amateurs qui se trouvaient sur la piste de danse. Je me mis à rire suite à sa remarque en essayant d’imiter le mec qu’il me montrait. « Hey mais la danse du robot est très à la mode en ce moment ! » Heureusement que le ridicule ne tue pas. Quelques secondes plus tard, je pris le risque de lui demander s’il m’accorderait une danse et contre toute attente, il accepta. « Cool ! » Murmurais-je le sourire aux lèvres. En réalité, je détestais danser en public, cela avait tendance à me perturber plus qu’autre chose mais peu importe ce soir, j’allais faire un effort. Ce soir, j’allais m’amuser et laisser de côté tous mes problèmes. J’observais Caden faire une sorte de révérence, perdant quelque peu l’équilibre ce qui me fit sourire. « Je t’excuse pour ce soir. » Affirmais-je avant de le suivre sur la piste.

Le fait d’être au milieu de tous ces gens me faisait perdre mes esprits et c’est seulement lorsque le jeune homme m’attrapa par les hanches que je me focalisais sur la danse, passant mes bras autour de sa nuque. Ou plutôt sur Caden. J’entendais mon cœur battre à tout rompre, sentais son souffle contre ma peau, je me sentais bien. Jamais je n’avais été aussi bien depuis le décès de mon frère. Je me rapprochais un peu plus afin de lui répondre à mon tour : « Ça me fait plaisir aussi, j’aurais pas rêvé meilleur partenaire. » J’essayais de suivre le rythme de Caden, essayant de penser à autre chose que ses lèvres à quelques millimètres de ma peau, ses mains sur mes hanches et le fait qu’il me rende totalement folle inconsciemment. « Et au passage, tu te débrouilles plutôt bien ! » Ajoutais-je avant de plonger mes yeux dans les siens alors qu’un sourire se dessinait de nouveau sur mon visage.

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Je me sentais électrisé, il se passait quelque chose de presque cosmique. C’était fou à dire, mais c’était tellement puissant et tellement nouveau que je ne pouvais pas mettre de mots sur ce qui était en train de se passer, ici, dans cette boîte de nuit. La main d’Eliana sur ma nuque me faisait l’effet d’une bombe qui aurait explosé au milieu de mon ventre et qui se propagerait dans tout mon corps. « Je sais. » blaguais-je simplement quand elle me dit qu’elle n’aurait pu rêver meilleur partenaire, pour tenter de détendre l’atmosphère et de retrouver les sensations que j’éprouvais d’habitude, quand nous étions proches l’un de l’autre de cette façon. Mais mes efforts furent vains, et je fus bientôt replongé dans cet état de transe délicate dans lequel elle me mettait. Son compliment me fit sourire, j’étais un petit peu rassuré par cela. Mais ce qui m’interpella le plus à ce moment là fut le regard et le sourire qu’elle m’adressa. Il se passait quelque chose dans ce sourire là, il se passait quelque chose dans ce regard, quelque chose qui était différent de tout ce qu’elle m’avait montré jusqu’à présent. Bien sur, quand elle était plus jeune, et que je venais chez elle pour voir son frère, j’avais parfois remarqué des coups d’oeil insistants, mais ça ne m’intéressait pas. J’avais Diskie et j’étais très heureux ainsi. Mais dorénavant, j’avais une femme qui me dévorait du regard devant moi. Ce n’était plus une adolescente, je n’étais plus un adolescent. Je prenais pleinement conscience de l’effet qu’avaient ses mains sur mon corps, je pouvais presque sentir mon coeur battre dans ma main et l’alcool couler dans mon sang. J’étais ailleurs, j’étais vivant. Et de tous les instants que j’avais vécu, j’aimais celui-là bien plus. Alors sans dire un mot, je plongeais mes lèvres dans les siennes, d’abord délicatement, dans un souffle et soudainement plus intensément, comme si ma vie en dépendait, comme si cet instant était le seul que nos existences respectives nous offriraient.
Et puis, une autre pensée me traversa l’esprit. Je me reculais brusquement, m’échappant de ses bras et mettant fin à cette étreinte passionnée. « Je suis désolé. » dis-je seulement. J’avais conscience que cette réaction était furieusement cliché, mais je ne pouvais faire autrement. Je ne pouvais pas. C’était pour moi comme désirer ma propre soeur, je me sentais sale. « Je n’aurais pas dû, je… Viens, on va dehors. » Je l’attrapais par la main mais ne la serrait pas autant que j’avais pu le faire au cours de la soirée. Une fois dehors, j’allumais une cigarette et lui en proposais une. C’en suivit alors un silence gêné…

get that rhythm right.

Jamais je n’avais espéré que Caden accepte de danser avec moi. Dans mes rêves les plus fous, il m’emmenait au beau milieu de la foule, peu importe son niveau en danse et en réalité, je pensais qu’il allait trouver une excuse pour se dérober. Finalement, il accepta et je ne manquais pas de lui faire remarquer que cela me faisait plaisir. Au milieu de tous ces jeunes, je me sentais quelque peu perdue or, lorsqu’il posa ses mains sur moi, c’est comme si le monde tout entier assez cessé de tourner. J’étais concentrée, je n’avais d’œil que pour lui et perdais le contrôle de mes émotions. J’avais horreur de ce genre de sensation, c’est comme si je perdais pied. Mon cœur faisait des bonds à l’intérieur de ma cage thoracique, j’avais des papillons dans le ventre et souriais bêtement minute après minute. Je me sentais à la fois ridicule et heureuse, heureuse comme jamais.

Tout à coup, quelque chose que j’étais loin d’imaginer se produit. Alors que son regard était plongé dans le mien, ses lèvres vinrent s’écraser contre les miennes pour m’offrir un baiser comme je n’en avais encore jamais reçu. Il était tendre, délicat et à la fois intense. Je ne pus faire autrement que d’y répondre, non seulement parce que j’en avais envie mais, en plus, parce que c’est lui qui me l’offrait et que j’en rêvais depuis bien longtemps. Fermant les yeux, je profitais de cet instant comme si c’était la dernière chose dont je voulais me souvenir avant de quitter cette terre. Finalement, il se recula brusquement et je me mordais la lèvre en baissant la tête. Je savais que c’était loin d’être volontaire, c’était trop beau pour être vrai. Je soupirais sans rien ajouter, me contentant de le suivre à l’extérieur. Il s’alluma une cigarette avant de m’en proposer une. Habituellement je ne fumais pas mais j’avoue que ce soir, j’en avais bien besoin. J’en pris une dans son paquet et laissais le silence s’installer entre nous. Celui-ci était angoissant, frustrant, horrible et je n’eus d’autre choix que de prendre la parole. « C’est ma faute, je t’ai laissé faire alors que t’es complètement ailleurs. Je suis désolée… » Murmurais-je dans un souffle en baissant la tête. C’est vrai après tout, il était sous l’emprise de l’alcool ou je ne sais quoi, j’avais profité de la situation c’est tout. « Je sais très bien que tu l’aurais pas fait si t’étais clean ! » Ajoutais-je en me laissant glisser le long du mur, quelque peu déçue.

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Je fumais ma cigarette lentement, comme si ça allait changer quelque chose. Comme si elle allait oublier tout ce qui venait de se passer si j’allais moins vite. Je me posais des milliers de questions par minutes: peut-être que j’avais fait ça parce que j’en avais vraiment envie et que c’était la suite logique des choses? Ou peut-être que je m’étais juste laissé emporter dans un moment d’égarement total et qu’il valait mieux que l’on passe tous les deux à autre chose? Et elle, que voulait-elle? Qu’avait-elle pensé de cet interlude? Lui avait-il plu? Ou pensait-elle aussi que c’était une erreur? Et si j’avais envie d’être avec elle, allions-nous réussir à gérer ce brusque changement de relation? Pire encore, que dirait-elle quand elle saurait que je conduisais le soir où Emrys avait perdu la vie? Et lui, s’il nous voyait, que pensait-il? Sans doute que j’étais un beau salaud: ça, j’en étais certain et il avait raison de le penser. Je l’avais tué et maintenant j’avais envie de sa petite soeur. J’avais presque envie de pleurer ou de partir en courant, mais elle me tira de mes pensées. Elle disait que c’était de sa faute. « T’as toujours été bien trop gentille avec moi Eliana. » sifflais-je entre mes dents, involontairement quelque peu agressif. M’en rendant compte, je repris d’un ton plus doux « Ce n’est pas ta faute. » Et c’était vrai. C’était moi le con, le moins que rien. Il y a un quart d’heure, je me sentais le roi du monde, et là, j’étais juste le pire des cons. Je me retenais pour ne rien lui dire.
Pour le reste, elle se trompait. Ça m’apparut comme une évidence. Si. Je l’aurais sans doute fait dans mon état normal également. Mais je ne savais pas si je devais lui dire ou non. Dans les deux cas, j’avais peur de sa réaction: je n’arrivais pas à discerner ce qu’elle pensait de tout ça. Je fis le lâche, et je pris le parti d’y aller par un petit détour. « Tu as quelqu’un en ce moment? » Je réalisais qu’elle ne me parlait que très rarement des garçons qu’elle fréquentait et que je ne m’étalais que rarement sur les filles qui faisaient partie de ma vie, surtout depuis quelques temps, mis à part Sage qui prenait tant de place qu’il était difficile de la rater.

get that rhythm right.

Finalement, peut-être que j'aurais dû partir lorsque le moment s'était présenté. Au moins, cela m'aurait épargné ce douloureux silence et le fait qu'on soit tous deux mal a l'aise suite aux événements qui venaient de se produire. De toute évidence, ce baiser n'avait plus qu'à moi et pour le rassurer, je prétendais que tout cela était de ma faute, tout en rejetant cela sur le dos de l'alcool par la même occasion. Je manquais de m'étouffer avec la fumée de ma cigarette lorsqu'il avoua que j'étais beaucoup trop gentille d'un ton méprisant puis, je me mis instinctivement a rire. Il avait entièrement raison et je savais parfaitement. La gentillesse était mon pire défaut et rare étaient les personnes qui qualifiaient cette facette de ma personnalité comme étant une grande qualité. Cela me donnait un air naïf, personne n'osait reprocher quelque chose a une personne aussi gentille car ce trait de caractère était très souvent associé avec fragile et sensible. Je n'étais plus une enfant et j'assumais entièrement mes erreurs, je savais reconnaître mes torts. Je ne regrettais pas ce baiser, je regrettais le fait d'avoir profité du fait que Caden avait bu pour accomplir l'un de mes plus grands désirs. Au fil du temps, j'avais espéré l'oublier. Je pensais réellement que je serais capable d'éprouver des sentiments pour un autre homme que Caden mais après l'expérience que je venais de vivre, j'avoue que je commençais a douter très fortement. Je ne savais plus quoi dire, ni quoi penser, je ne désirais qu'une seule et unique chose, l'embrasser à mon tour et crier au monde entier que je n'étais plus cette gamine de quatorze ans, terrorisée a l'idée que le meilleur ami de son frère aîné aujourd'hui décédé, vienne a apprendre qu'elle n'était pas indifférente face a son charme certain. Au lieu de quoi je laissais échapper un léger soupire suite au fait qu'il m'assure que ce n'était pas ma faute.

Assise a même le sol, je me foutais pas mal de salir ma robe ou que les gens me dévisagent, je n'avais plus rien a perdre. Je me levais tout de même pour aller écraser ma cigarette un peu plus loin avant de répondre a la seule question qu'il avait a me poser. Personne... murmurais-je désespérée, consciente que ça ne servait a rien de lui mentir et puis, si ça pouvait le faire sentir moins coupable... Et toi ? Le questionnais-je alors en posant mes yeux sur lui. Cette question me démangeait depuis un bon bout de temps mais, comme nous n'étions pas du genre a parler de nos relations amoureuses, je m'étais faite une raison. Je m'adossais au mur, posant délicatement ma tête contre celui-ci en me demandant quoi faire. Je ne savais pas ce que j'espérais de lui, ni même ce que je m'attendais a ce qu'il réponde. J'essayais juste de ne pas rompre cet échange pour ne pas faire régner le silence, craignant tant bien que mal qu'il ne m'annonce le pire.

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Sa réponse était loin de me soulager et ne faisait que faire germer en moi à nouveau des tas de questions, des incertitudes qui se précisaient encore d’avantage et qui venaient s’ajouter aux interrogations que j’avais déjà. Je soupirais sans le vouloir. Mais la façon dont elle me l’avait dit me laissait encore plus perplexe, dans un murmure, comme ça et même si j’avais du mal à décrire l’intention avec laquelle elle avait prononcé ce mot, je pensais fort qu’elle avait l’air quelque peu gênée de me l’avouer ainsi. Elle me renvoya l’ascenseur, et même si j’aurais dû m’en douter, cela me prit un petit peu de court. On ne pouvait pas vraiment dire que j’avais quelqu’un, j’avais tout le monde et personne à la fois. Il y avait cette fille dans ce bar l’autre soir, il y avait Sage, il y avait la fille que je croisais régulièrement en bas de chez moi et qui me faisait les yeux doux, mais dans l’absolu, il n’y avait personne. Personne qui ne comptait vraiment. A vrai dire, depuis le lycée, il n’y avait plus eu personne. Diskie m’avait aidé à réapprendre à vivre à un moment où j’en avais besoin et elle représentait toutes mes premières fois, toutes mes nouvelles expériences, tout le chemin que j’avais parcouru pour devenir un adulte. Et elle m’avait abandonné. Après ça, il ne me restait rien d’autre que l’alcool et le sexe, j’avais simplement appris à vivre avec. Derrière tous les connards, il y a une petite conne, j’aimais à le penser. Oh, bien sur, je n’avais pas brisé le coeur à grand monde, au fond, le seul à qui je le brisais, c’était bien moi-même. Je me tournais alors vers Eliana, plongeait mon regard dans le sien et lui dis: « Non, pas vraiment, à vrai dire ça fait bien longtemps qu’il n’y a pas vraiment eu quelqu’un dans ma vie. Enfin, pas quelqu’un qui vaille réellement la peine quoi, tu vois. » C’était sorti tout à fait comme je le pensais et je n’avais pas vraiment pris le temps de réfléchir à la façon dont j’allais tourner ce qui me passait par la tête, je redevenais un peu moi-même et paradoxalement, j’avais l’impression de reprendre le contrôle.
Je me dirigeais vers elle et attrapais son visage dans mes mains, bien décidé à lui dire ce que je ressentais vraiment, et ce qui se jouait dans ma tête. J’avais l’impression de lui devoir. « Je ne sais pas ce que signifiait pour toi ce baiser, Eliana, et je te demande pas de me le dire. Mais… Ça voulait dire quelque chose pour moi, et je l’aurais fait sobre aussi, des dizaines de fois si tu n’étais pas ma petite soeur d’adoption. Je dois ça à Emrys tu comprends? J’ai fait des erreurs et j’ai parfois été le roi des cons. » Je m’arrêtais, me rendant compte que j’étais parti de la supposition que ce baiser signifiait quelque chose pour elle. Je retirais mes mains de son visage, manquant de piquer un fard et m’éloignais un peu.

get that rhythm right.

J'aurais bien aimé mentir à Caden, juste pour voir sa réaction or, j'en étais incapable. J'arrivais à lui cacher des choses, plus particulièrement mes sentiments mais, jamais je lui avais menti et aujourd'hui ne serait pas une grande première car, je trouvais cela tout simplement inimaginable. Pourtant, j'aurais aimé. J'aurais véritablement aimé lui dire que mon coeur appartenait à quelqu'un, que j'étais en couple et heureuse mais, ce n'était pas la réalité. La réalité voulait que depuis l'âge de quatorze ans j'étais amoureuse de cet inconnu qu'avait ramené mon frère à la maison un beau jour après un match. Aujourd'hui nous avions tous les deux grandis et les choses avaient changé. Emrys n'était plus de ce monde, Caden n'était plus en couple et... Oui, j'étais incapable de dire la vérité à Caden mais, j'étais également incapable de lui mentir du coup, je me contentais de lui cacher des choses comme actuellement j'étais en train de le faire. Je lui retournais la question et attendais avec impatience une réponse de sa part, les yeux tournés vers lui. Le fait qu'il n'ait personne, c'était rassurant oui et non car il avait employé la formule "Pas vraiment" ce qui voulait dire qu'indirectement, il avait quelqu'un et ce même si ce n'était pas forcément du sérieux entre eux. Je n'affichais aucun sourire, aucune émotion, je me contentais d'appuyer la tête contre le mur et de réfléchir à ma vie, à la situation, à ce baiser. Est-ce que je devais faire comme si rien ne c'était produit ou est-ce qu'on devait mettre les choses au clair ? J'avoue être un peu perdue et le fait qu'il reprenne la parole en premier, ce n'était pas plus mal. Enfin c'est ce que j'espérais... Mes yeux figeaient sur son regard, je n'écoutais que d'une oreille. Je m'attendais vraiment à ce qu'il me dise tout ça. Il me considérait encore comme une enfant dont on devait s'occuper, comme la petite soeur inoffensive et fragile que j'avais pu être mais, ça n'avait que très peu d'importance pour moi car il venait également d'avouer que ce baiser n'était pas rien. Comme il ne souhaitait savoir ce que j'en pensais, je ne dis, j'hochais seulement la tête d'un signe approbateur et baissais celle-ci de nouveau lorsqu'il lâcha mon visage. Je soupirais brièvement et finalement, décidais d'agir que ça lui plaise ou non. Je m'approchais de lui, pris son visage entre mes mains à mon tour et déposais délicatement mes lèvres contre les siennes avant de faire quelques pas en arrière. Contre toute attente, je lui souris et la seule chose que je réussis à dire fut : « Tout le monde fait des erreurs, personne n'est parfait ! C’est ça la vie en fait, prendre des risques, regretter certaines choses, être désolé… Je ne suis pas désolée d’avoir fait ça en tout cas. » Cette phrase avait sûrement un rapport avec la dernière phrase qu'il avait prononcé. J'en savais foutrement rien la seule chose que j'avais faite avait été d'agir. J’aurais été désolé de l’avoir embrassé si il avait été en couple or, ce n’était pas le cas. Je lui lançais un dernier sourire avant de le contourner et m'apprêtais à rentrer à l'intérieur. Je ne lui en voulais, je comprenais sa position. J'étais la petite soeur d'un pote décédé... Et le mot décédé était bien entendu le cœur du problème ! Et pour en rajouter une couche, je lui rappelais sa petite soeur. Oui, j'étais sans doute son pire cauchemar et je ne lui apporterai que des problèmes, je devais me faire a cette idée bien que c'était loin d'être facile. Mais d'un côté si ce baiser ne signifiait pas "rien", qu'est-ce que je devais faire ? Abandonner, me battre ? Tirer un trait sur tout ça ou continuer à espérer ? J'avais besoin de réfléchir, de reprendre le contrôle, d'élaborer un plan avec diverses issues parce que c’était sans doute la chose que je faisais le mieux.

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Elle prit mon visage dans mes mains et déposa à nouveau ses lèvres sur les miennes. Je ne voulais pas m’expliquer son geste, quelque part, je n’avais pas envie de savoir. J’avais peur. Tous les jours je me levais en ayant l’impression de vivre chaque instant comme si c’était le dernier, de saisir toutes les opportunités qui s’offraient à moi, d’être heureux de choses simples et subites. Mais la vérité, le fond du problème, c’est que j’avais peur. J’avais peur de faire des projets, d’être engagé auprès d’une fille et de la perdre. J’avais aussi peur de ma propre mort, de mes propres faiblesses, de ne pas être capable de converser un bonheur durable. Il était tellement plus facile d’apprécier les petits bonheurs, de les encenser, d’en profiter au maximum, parce que je savais qu’ils étaient éphémères avant même qu’ils ne m’échappent. C’était une philosophie de vie à double tranchant. J’étais souvent heureux, mais j’avais peur, tout le temps, constamment, irrévocablement. Elle avait raison, personne n’était parfait, mais je l’étais encore moins que les autres: j’avais tué son frère et ça, elle ne me le pardonnerait jamais et j’allais la perdre. Comme j’avais perdu Emrys, comme j’avais perdu ma petite soeur, comme j’avais perdu Diskie. J’avais l’impression que toute ma vie n’était qu’une suite de pertes en tout genre. Et geler ainsi ma relation avec Eliana, c’était en quelque sorte me protéger, nous protéger. Et elle n’était pas désolée, elle n’était pas désolée. Je me sentais envahie par une vague de satisfaction qui était bien plus forte que la peur que je ressentais au fond de mon ventre. Et je me disais que ça voulait sans doute dire quelque chose, que si j’étais si heureux au fond de moi, je n’étais pas désolé non plus. Peut-être que ce n’était pas ma petite soeur, peut-être que c’était juste une fille avec qui j’avais envie de partager un bout de chemin, quelque soit le passé que l’on avait en commun.
Elle se dirigea vers la boîte de nuit, mais je ressentais soudainement l’envie de me vider de toute cette pression et de regagner mon appartement. J’étais fatigué, je ne savais pas où était Sacha et les évènements de cette soirée m’avait vidé de toute envie de faire la fête. Moi qui était pourtant si bien parti pour finir la tête sur une cuvette de toilettes. Je suivais Eliana à l’intérieur, la repérais et lui glissais à l’oreille pour qu’elle puisse m’entendre distinctement: « Je crois que je vais rentrer, tu veux que je te raccompagne ou tu restes un peu? »

get that rhythm right.

Pourquoi est-ce que j’ai fait ça ? Sans doute parce que je savais que c’était la dernière fois que l’occasion se présentait. Jamais je ne pourrais regoûter à ses lèvres parce que j’étais seulement la petite sœur d’Emrys. Alors oui, je voulais que ça soit gravé dans ma mémoire, oui je l’avais fait sans réfléchir et non je n’étais pas désolée. Je l’avais ensuite laissé seul pour regagner l’intérieur. Le bruit sourd de la musique qui résonnait aux quatre coins de la salle me donnait mal à la tête et toutes ces lumières, c’était sans doute encore pire. Je battais le rythme avec mon pied, observant les gens s’amusaient, me sentant à la fois seule et complètement ailleurs. Je pouvais que Caden allait rejoindre ses amis or au lieu de ça, il s’avança vers moi et me proposa de me raccompagner. « Non, je suis bien ici. Je crois que je vais aller danser avec le gars là-bas, je trouve qu’il bouge bien et puis, j’ai pas encore assez profité ! » J’haussais les épaules et reposais mon regard sur le bel inconnu que se trouver à quelques mètres de moi, laissant Caden faire son choix. J’aurais très bien pu y aller, pour de vrai mais, je n’en avais pas particulièrement envie. En fait, dès que je me trouvais seule ici, cet endroit devenait tout de suite moins amusant et beaucoup plus glauque. Ils y avaient des jeunes en train de s’embrasser dans tous les coins, en train de danser collé-serré jusqu’à ne faire plus qu’un et puis, il y avait aussi tous ces connards qu’on ne voyait pas et qui glissaient de la drogue dans votre verre dès que l’occasion se présentait. Finalement, après avoir réfléchie, je tournais les talons et partie rejoindre Caden en espérant qu’il ne soit pas déjà parti. Quelques secondes seulement s’étaient écoulées, il était peu probable pour que ce soit le cas. J’essayais de me frayer un chemin, bousculant quelques personnes au passage tout en m’excusant. Je rattrapais Caden par le bras et me hissais sur la pointe des pieds pour corriger ses dires. « Je te raccompagne. » Je sortis les clés de son sac et ne lui laissais pas vraiment le choix. Il avait bu et moi, si on oubliait mon cocktail, j’étais sobre. J’avais laissé mon frère conduire lors de cet accident du moins, je lui avais laissé la voiture pour qu’il puisse sortir et ça, je me le pardonnerai sans doute jamais. Je ne voulais pas qu’il arrive quelque chose à Caden d’ailleurs, il ne savait même pas comment il était arrivé ici donc, il n’avait pas vraiment le choix. « Je me suis souvenue que tu sais pas comment t’es venu alors, le bel inconnu n’aura qu’à se trouver quelqu’un d’autre. » Je soupirais désespérément bien que dans le fond, j’en avais strictement rien à faire de ce mec, c’était juste une façon de montrer à Caden que je pouvais m’intéresser à quelqu’un d’autre que sa propre personne.

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Elle refusa mon offre et m’indiqua un autre garçon qui dansait plus loin. Je sentis la jalousie m’envahir, et elle se manifestait par une soudaine haine envers cet individu que je connaissais même pas. Je ne trouvais pas qu’il bougeait bien, au contraire, j’avais plutôt l’impression qu’il bougeait très mal et qu’il était particulièrement laid. Je tentais tant bien que mal de cacher ma déception. J’hésitais à la laisser là, avec cet abruti, car si elle le désirait vraiment, elle descendait clairement dans mon estime. Mais ma fierté masculine m’empêchait de juste tourner les talons et filer hors de la boîte de nuit, j’avais envie de lui montrer que j’étais là, moi aussi. Et que j’avais envie de la raccompagner chez elle, même si je ne savais plus par quel moyen j’étais venu jusque là. Je me retournais donc vers elle, attrapais ses hanches presque violemment et l’embrassait passionnément pendant quelques secondes. « Comme tu voudras. » glissais-je à son oreille avant de tourner les talons en direction de la sortie. J’avais l’impression de replonger un peu dans les jeux que je connaissais avec mes autres conquêtes, mais celui-ci avait un enjeu supplémentaire, et même si je ne savais pas de quoi demain serait fait, j’avais envie d’être là avec elle, de la prendre dans mes bras et de ne plus la laisser partir. Et j’imaginais qu’à cette seconde précise, c’était bel et bien le principal.
Ce n’était pas sans une certaine satisfaction que je la sentis arriver dans mon dos et me dire qu’elle me raccompagnait. Vu la situation actuelle, il était vrai que c’était ce qui me semblait le plus logique, étant donné que je ne savais pas si j’avais pris ma voiture et que je n’étais de toutes façons pas en état de prendre le volant. Je ne protestais donc pas et acquiesçait simplement de la tête. Elle se justifia ensuite, et je ne pus m’empêcher de ressentir un petit pincement au coeur à l’évocation du garçon qui bougeait bien, à son humble avis. « Ok! » dis-je, me renfrognant un peu. Nous marchions donc jusqu’à sa voiture et je faisais un effort surhumain pour marcher légèrement derrière elle, vexé de ses dernières paroles. Néanmoins, une fois installé côté passager, son profil sous mes yeux me radoucit quelques peu. « Par contre, tu dors chez moi, je ne te laisse pas rentrer toute seule! Je te laisserai mon lit! » C’était à la fois une affirmation et une question, j’attendais donc patiemment sa réponse.

get that rhythm right.

Ok, ok, le type du fond, il avait l’air d’un looser. D’abord, il était blond, vraiment blond, grand, assez baraqué bref, il ressemblait à un surfer australien dans toute sa splendeur et toute personne me connaissant un minimum pouvait affirmer que ce n’était pas du tout mon genre. Ensuite, il dansait comme un pied du moins, sa façon de bouger n’était pas en accord avec la chanson que le Dj passait et pour une fille comme moi, ça faisait toute la différence. Or, je n’avais pas vraiment le choix, c’était soit lui soit un gamin de dix-sept ans à peine qui avait dû trafiquer sa carte d’identité pour pourquoi rentrer ici. Je ne voulais pas que Caden sache que j’allais m’ennuyer à mourir s’il ne restait pas parce que sinon, premièrement ça prouvait que j’avais besoin de lui et deuxièmement, ma fierté allait en prendre un coup. Je ne voulais pas passer pour une idiote, je ne voulais pas lui courir après comme une groupie jusqu’à ce qu’il ouvre les yeux et pourtant, je ne souhaitais pas abandonner pour autant. Le regard posait sur cet abruti, je m’attendais à que Caden me force à venir avec lui ou parte sans rien dire et au lieu de ça, il m’attrapa à nouveau par les hanches et m’embrassa de nouveau. Cette fois-ci, je ne baissais pas la tête, je ne lui suivis pas non plus, je restais plantée là comme si le temps s’était arrêté pour me laisser réfléchir. Raah je le détestais ! Il me faisait tourner la tête, j’avais envie de m’arracher les cheveux pour réussir enfin à le comprendre. D’abord, il s’excusait après, il parlait d’Emrys et maintenant, il m’embrassait de nouveau et partait comme si de rien était. Une chose est sûre, les mecs étaient beaucoup plus compliqués que nous, les femmes. Je soupirais avant de le rejoindre parce que s’il l’avait fait exprès pour que je change d’avis, ça avait marché à la perfection.

Je prétendais devoir le raccompagner parce qu’il avait bu alors qu’en réalité, c’est parce que j’en avais envie surtout. J’agitais mes clés sous son nez en ajoutant que le mec qui bougeait bien devrait se trouver quelqu’un d’autre puis, je passais devant lui pour rejoindre le parking. D’ici, on pouvait sentir les vibrations de la musique et le calme était presque total. J’ouvrais la voiture, pris place du côté conducteur et démarrais en écoutant de qu’il avait à me dire. « Je suis sûre que tu ne vas pas me laisser le choix donc… D’accord papa ! » Je levais les yeux au ciel avant de sourire. De toute façon, il ne me laisserait pas partir, je le connaissais il agissait toujours de cette façon et le fait qu’il me protège autant, c’était à la fois rassurant et étouffant. « Et tu sais, je peux me contenter du canapé, je suis pas si difficile que ça. » J’avais énormément envie de parler de ce qu’il s’était passé dans la boîte de nuit mais, je me retenais encore un peu parce que c’était assez gênant pour nous deux.

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Il était vrai que je me conduisais comme son père parfois et c’est bien cela qui m’inquiétait. Je ressentais le besoin quasi obsessionnel de la couver, d’être là pour elle, de lui demander si elle avait froid, faim, envie de quelque chose, et je savais que ça pouvait être parfois étouffant. Même si je n’en étais pas à lui demander ce qu’elle allait manger, on n’en était pas loin. Je ne relevais cependant pas, n’ayant ni envie de me battre avec elle, ni envie de me remettre à m’interroger longuement sur le bien pensé de mes actes. En effet, je l’invitais à rester chez moi, ce qui n’était jamais arriver, et j’avais envie que ce geste reste innocent. Si je commençais à trop y penser, j’allais vite devenir fou. De plus, le fait qu’elle m’appelait papa avait sur moi un double effet: rassurant, et terriblement inquiétant. Elle évoqua le canapé et je levais les yeux au ciel. « Non, non bien sur que non, c’est moi qui prend le canapé, c’est normal! » Je m’arrêtais, conscient que je recommençais à me comporter exactement comme si j’étais un grand justicier prêt à bondir pour sauver la demoiselle en détresse qu’elle était. Parfois, j’étais vraiment très XVe siècle.
Dans la voiture, je ne m’attardais pas d’avantage sur ce qu’il s’était passé dans la boîte, même si j’en mourrais d’envie. Je me posais toujours les mêmes questions et je crois qu’elle se les posait aussi. Je me demandais depuis quand ces sensations grandissaient en moi sans que je ne m’en rende compte. Depuis la disparition d’Emrys? Avant? Je n’en avais aucune idée. Nous arrivions en bas de chez moi et elle gara la voiture. Je me rappelais un peu de toutes ces fois où elle m’avait attendu en bas de ma porte, où elle était montée boire un café, quand ça n’avait pas vraiment d’importance, et là, j’avais l’impression que tout était peu à peu en train de changer. « Je t’en prie. » lui dis-je en lui tenant la porte d’entrée de l’immeuble ouverte afin qu’elle puisse pénétrer à l’intérieur. Je commençais à être un peu vaseux, les effets de l’alcool s’étant clairement dissipés, laissant place à une fatigue et à un abrutissement sans pareil. Arrivés en haut, je fus soulagé qu’elle connaisse déjà mon appartement et le joyeux capharnaüm qui y régnait. « Tu veux boire quelque chose? » lui demandais-je.
Une fois sa réponse obtenue et mon action accomplie, je sirotais mon verre de coca, assis à côté d’elle sur le fameux canapé, afin de me purger l’estomac et de dormir tranquillement. « Tu veux qu’on reparle de ce qu’il s’est passé ce soir? » la questionnais-je, n’ayant pas envie de commencer mon monologue dans le vide.

get that rhythm right.

Caden il me faisait vraiment rire. Sérieusement, je n’arrivais pas à m’empêcher de rire de la situation. Il se comportait comme mon père du moins, quand il était à la maison. En fait, c’était le portait craché d’Emrys quand il était encore là. Toujours en train de me poser des questions, en train de prendre des gants pour rien dire ou faire qui pourrait me blesser, toujours en train de me demander comment j’allais et à me surprotéger plus que tout. Des fois, je trouvais ça rassurant parce que je savais que je pouvais compter sur lui coûte que coûte mais, d’un autre côté, je trouvais ça agaçant plus qu’autre chose parce qu’on me considérait comme une gamine de trois ans. J’avais grandi, peu de gens arrivaient à le comprendre. Je voulais qu’on arrête de me considérait comme une enfant, qu’on me voit comme une femme forte et indépendante même si je ne l’étais pas tout le temps. Je désirais qu’on me considère comme une adulte, qu’on me dise ce qu’on pense haut et fort, qu’on est pas peur de me blesser… Mais bon, je ne comptais pas faire une scène juste pour un canapé. S’il avait envie de me laisser son lit, j’allais l’accepter sans broncher, il y avait pire après tout.

J’arrivais enfin devant son immeuble et me garais avant de descendre de la voiture en silence. Ce calme, c’était juste un vrai bonheur après la musique assourdissante qu’ils passaient dans la boîte de nuit. Celle-ci était supportable pour des gens qui avaient bu et j’avoue qu’avec mon petit cocktail, ça n’avait pas suffi. « Merci. » Murmurais-je alors qu’il me tenait la porte pour entrer. Pénétrant à l’intérieur, je connaissais le chemin par cœur, je n’avais pas besoin qu’il me guide étage après étage. En réalité, cela me faisait vraiment bizarre car, j’étais déjà venue en plein jour, pour boire un café, pour parler, pour me divertir alors que plus rien allait après la mort de mon frère mais, jamais je n’avais passé la nuit ici.

J’entrais à l’intérieur et rien n’avait changé. Ouais, c’était surement autant le bordel ici que dans sa tête et ça me faisait sourire plus qu’autre chose. J’allais m’installer dans le canapé comme je l’aurais fait chez moi et tournais le regard en sa direction : « Je veux bien un verre d’eau qu’il te plaît. » J’attendais qu’il revienne, le remerciant au passage puis, après avoir bu une gorgée, posais le verre sur la table basse en soupirant. « Si t’as envie d’en parler, autant le faire maintenant. » En fait, je n’avais pas envie qu’on en parle parce que je savais parfaitement ce qu’il allait dire et son discours finirait surement par « T’es comme ma petite sœur Eliana » et ça, ça, c’était une chose que je n’avais vraiment pas besoin d’entendre. Mais franchement, si on devait en parler, autant le faire maintenant histoire d’être débarrassés. A chaque fois que j’étais venue ici, je m’étais sentie comme chez moi, calme et quasiment tout le temps souriante alors aujourd’hui, j’étais mal à l’aise plus qu’autre chose… Je fixais Caden et attendais qu’il commence ce monologue qui n’allait très certainement pas me plaire. « Après tu sais, tu me dois aucune explication, justification ou je sais pas quoi… » Murmurais-je tellement bas que je n’étais pas certaine qu’il m’est entendue.

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J’avais cette sensation bizarre qu’elle pénétrait complètement dans mon intimité et ça me faisait tout drôle. Je ne savais pas comment adapter mon comportement à cette situation toute nouvelle qui s’offrait à moi. J’aimais beaucoup Eliana, c’était certain, mais je doutais encore de la manière avec laquelle cet amour se manifestait. A vrai dire, j’aurais préféré que les choses soient simples comme elles l’avaient toujours été: je vivais au jour le jour, sans compte à rendre à personne, sans jamais m’attacher réellement aux gens que je fréquentais ou en leur cachant comme il le fallait. Avec mes parents, je n’avais jamais été très démonstratif, même si ma mère l’était beaucoup, mon père, bien que très agréable, prônait le non sentimentalisme et détestait les démonstrations d’affection abusives en public. Je ne me rappelle pas l’avoir vu un jour embrasser ma mère dans la rue ou au supermarché. J’imagine que c’est le genre de comportements qui nous conditionnent quelque part. Non pas que je détestais les marques d’affection, mais que j’avais peur de celle-ci, comme si elles représentaient un interdit, une frontière infranchissable, quelque chose duquel on ne pourrait jamais revenir.
Elle me demanda un verre d’eau, je me dirigeais donc vers ma petite cuisine pour lui servir cela dans un des rares verres qui étaient dans mes placards. Si le reste de mon appartement était un bazar sans nom ou s’entreposaient tout un tas d’objets, ma cuisine était étonnant vide, et il n’était pas rare que je sois obligé de renoncer à certains choix culinaires à cause de ce manque de matériel. Quand je revins avec le verre et qu’elle répondit à ma question, elle avait l’air dépitée, ça me fit un peu mal au coeur. Je ne savais pas quoi lui dire, parce que je ne savais pas ce que ça signifiait pour elle, et pour le coup, je manquais sérieusement de courage. « Je ne me sens pas obligé ni de me justifier, ni de te donner des explications, c’est pas ça. » commençais-je simplement. « Tu m’as laissé entendre que ça signifiait quelque chose pour toi tout à l’heure, mais… J’aimerais savoir à quel point… » l’interrogeais-je du regard.

get that rhythm right.

Caden avait le don de me faire perdre tous mes moyens et à cet instant précis, c’était pire que d’habitude. J’avais vraiment envie qu’on mette les choses au clair tous les deux mais, je savais aussi que j’allais en prendre plein mon grade si on se lançait dans cette conversation. Je pensais donc le laisser parler mais au lieu de ça, il me laissa m’expliquer. Je m’éclaircis la voix avant de lui répondre en me mordant la lèvre inférieure. « Je suis pas du genre à la jouer cartes sur table lorsqu’on parle de… ça. » Le mot sentiment me faisait peur à ce moment parce que je savais que ce que je ressentais, je ne pouvais pas le contrôler et ça, ça me rendait vraiment malade. Quant à Caden, j’étais persuadée qu’il ne me voyait autrement que comme sa petite sœur mais, ce n’est pas pour autant que j’allais me défiler, c’était trop tard à présent. « Au point d’avoir envie de recommencer je suppose… » Fis-je par répondre en soupirant. C’est vrai j’avais envie de recommencer et pas après qu’il est bu plusieurs verres mais, parce qu’il en avait envie également. Je me tournais vers lui et après avoir marquée une courte pause, finis par déballer mon sac en variant les regards, sur lui, sur la télé éteinte, sur mes doigts qui tapotait nerveusement sur ma cuisse. « Ecoute Caden, je sais que tu me vois toujours comme cette gamine de 14 ans mais, j’ai grandi. Je pensais que c’était juste… Parce que t’étais un pote à mon frère et parce que j’avais vraiment envie de le faire chier. Je pensais que ça me passerait mais, j’arrive pas à faire semblant. Je peux pas te dire ce que je ressens parce que c’est la première fois que ça m’arrive et que je sais pas mettre de mots là-dessus –sans parler du fait que ça me fait vraiment peur tout ça. C’est pas un caprice, c’est pas un jeu, c’est ce que j’éprouve vraiment et, je crois que si je t’en parlais plus encore, ça va commencer à te faire flipper. » Au fond, je savais qu’il flippait déjà parce que moi aussi et je regrettais rapidement de lui avoir dit tout ça. Laissant basculer ma tête contre le canapé, je fixais le plafond à la fois soulagée et encore plus nerveuse qu’avant. Je ne me faisais pas d’idées, je n’attendais pas une réponse positive de sa place, j’espérais juste qu’il ne m’en veuille pas trop. « Tu crois que t’as assez bu pour oublier tout ce que je viens de te dire ? » Demandais-je plein d’espoir.

made by pandora.

Ça? Quel était donc ce ça qu’elle évoquais. Je savais que je devais me taire, ne pas montrer de signe d’impatience, sinon, j’allais la braquer. Et puis c’est vrai que moi aussi je trouvais cette conversation étrange, ce n’était pas souvent que je demandais à une fille de se justifier sur ce qu’elle ressentait ou que je lui disais ce que je ressentais parce que la plupart du temps la réponse aurait été rien. C’était donc très peu utile et une perte de temps. Cette fois-ci - et je le répète une fois de plus - c’était différent. Mais je savais aussi que je n’étais pas prêt à prendre en entier tout ce qu’elle allait me dire, et ce, quoi qui sorte de sa bouche. Elle me dit, en soupirant, que ça avait signifié assez pour elle pour qu’elle ait envie de recommencer. Je la fixais, quelque peu étonné. Je ne m’attendais pas à une réponse de ce type. Elle semblait fuir mon regard autant que possible. Pour lui donner du courage, j’attrapais sa main et faisait glisser mon pouce sur celle-ci dans un mouvement régulier. Et l’explication tomba.
J’écoutais son monologue en m’empêchant de trop réfléchir, de peur que quelque chose ne m’échappe, de mal comprendre une subtilité ou de ne pas savoir quoi dire après. La première chose qui me choqua, fut bien évidemment cette évocation de sa quatorzième année. Elle me trouvait donc à son goût depuis tout ce temps? Et depuis lors, rien n’avait changé? Je me rappelais alors toutes les fois où elle s’était incrusté à nos réunions entre mecs qui se déroulaient le plus souvent chez elle. Mais ça ne m’avait jamais interpellé, en plus, elle nous faisait toujours rire quand elle répondait crûment à Emrys qui avait lui aussi une répartie formidable. Mais maintenant que j’y pensais, des regards, des sourires, des tournures de phrases revinrent à moi et je me dis que j’étais un sacré abruti de n’avoir rien vu pendant tout ce temps alors que c’était sous mes yeux. Finalement j’étais peut-être vraiment pas doué pour les sentiments, si j’étais même incapable de les reconnaitre quand ils étaient en face de moi. Elle ne voulait pourtant mettre des mots là-dessus, prétextant la nouveauté de ses sentiments. Mais je savais bien ce qu’elle voulait dire, je savais bien ce qui se jouait en elle à ce moment-là. J’acquiesçais sans mot dire, continuant à serrer sa main. Elle me demanda pleine d’espoir si j’allais oublier son intervention demain matin. « Oh non, il n’y a pas de risques! » dis-je en riant. Je savais qu’elle devait se sentir un peu honteuse, et à vrai dire, même si je me donnais une contenance, je n’étais pas plus à l’aise qu’elle. Je pensais à nouveau à Emrys, à moi au volant de cette voiture et à cette promesse: à la promesse de veiller sur Eliana. Au fond, peut-être qu’Emrys savait pour elle. Pour elle et pour moi. Peut-être qu’il le voulait. Je soupirais à mon tour bruyamment à mes propres pensées. « Eliana. » commençais-je, ma main qui serrais toujours la sienne ou du moins, ce qu’elle voulait bien m’en laisser. « Regarde-moi » Sa manie de regarder le plafond depuis quelques minutes était assez désagréable. « Je… Je peux rien te promettre. Là on parle plus du fait que je connaissais ton frère, ou que tu sois comme ma petite soeur. C’est juste que je suis trop instable. Je vais où le vent me porte, je saisis les mauvaises opportunités Je suis flatté, je suis tellement flatté de ce que tu viens de me dire, mais je ne t’apporterai rien de bon. » Je me pinçais les lèvres, je m’en voulais de faire cela. Pourtant, je savais que faire des promesses et les rompre était bien pire encore, même si j’avais envie de lui en faire des milliers et de m’endormir contre elle. « Et pourtant, je meurs d’envie de t’embrasser tu sais. » dis-je en souriant.

get that rhythm right.

J'avais toujours été très réservée en ce qui concernait mes sentiments et mes ressentis. Je détestais parler de moi, je préférais de loin écouter que faire part de ce que j'avais au plus profond de moi or, Caden me demandait des explications, il me demandait de lui dire tout ce que j'avais sur le coeur et je ne pus m'empêcher de stresser face a cette pensée. Pourquoi, c'était le moment ou jamais et, je n'avais pas le droit de me défiler. J'étais mal à l'aise et lui aussi, ça se sentait. Ma main qui tapotait nerveusement ma cuisse se stoppa nette lorsqu'il l'attrapa pour x raison. Je serrais celle-ci comme pour me donner le courage de continuer ou encore par peur qu'il parte lui aussi. Je ne voulais pas le perdre et le fait de tout lui dire, c'était un risque. Un risque que je pris malgré tout avant de fixer le plafond, lui demandant s'il ne pouvait pas oublier tout ce que je venais de lui avouer. Apparemment, il n'en avait pas envie et ça me fit rire plus qu'autre chose. C'était soit ça, soit me cacher en dessous de la table, gênée d'avoir précisé que ça faisait six ans que j'avais des vues sur lui. Pourquoi est-ce que j'avais fait ça ? J'aurais très bien pu inventer une raison... Je sais pas, je venais de me faire plaquer et je recherchais du réconfort du coup, j'avais agi sur le coup de l'impulsion. Non, lui entir était bien trop compliqué à ses yeux. Il soupira et mon coeur se mit à battre encore plus fort. Je ne savais plus quoi faire ni quoi dire donc je restais silence et ce, même quand il prononça mon nom. J'étais perdue dans mes pensées et, c'est seulement lorsqu'il me demanda de le regarder et même si je n'avais pas tellement envie de cette confrontation, que j'obéis et plongeais mes yeux dans les siens. Je savais parfaitement comment était Caden, Emrys était exactement comme lui. Je réfléchis à ces propos. C'est vrai que ça pouvait faire peur mais, j'en avais marre que ma vie soit contrôlée dans les moindres détails du moins, de temps en temps. Comme tout le monde, j'avais besoin d'imprévus, de nouvelles expériences mais, j'étais beaucoup trop sur mes principes pour ça. Caden s'inquiétait pour moi or, je savais très bien faire cela de moi-même. Je veux pas de promesses, peut-être que j'en ai marre de faire les choses toutes bien, j'en ai marre que ma vie soit planifiée dans les moindres détails. Je suis comme tout le monde, j'ai besoin de... changements. Et j'ai besoin de toi. Je dis à voix haute ce que je pensais a voix basse car en réalité, je me demandais bien ce qui ça allait changer. Je soupirais à mon tour, posant ma tête contre son épaule après avoir sourit suite à sa dernière phrase. Mais ça change pas grand chose que tu le veuilles ou non parce que tu ne le feras pas. J'en étais persuadée et au mieux, s'il le faisait, il allait renchérir sur des excuses et des explications en tout genre. Pourquoi t'as fait ça Caden ? Soufflais-je complètement perdue. Il avait toujours été inaccessible à mes yeux et ce soir, il venait, il m'embrassait et me demandait de lui dire ce que je ressentais. Il ne voulait pas me blesser, m'apporter des mauvaises choses et pourtant, il m'avait fait espéré tant en l'espace de quelques minutes seulement. Il me rendait folle, me faisait perdre les pédales et dans le fond, j'adorais ça.

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Elle ne voulait pas des promesses, elle voulait du changement. Peut-être de l’action, du danger, de la passion. Mais tout cela entrainait forcément la douleur tôt ou tard. Et je ne voulais pas qu’elle souffre. Mon dieu non que je ne voulais pas qu’elle souffre. Je voulais continuer de voir ce beau sourire sur son visage, ce regard rieur qu’elle avait quand j’essayais de la réconforter ou que je lui faisais une blague. Je ne voulais pas être la cause de ses peurs, de ses pleurs, de sa souffrance. Pire je ne supporterais pas qu’elle me déteste, je crois que je ne supporterais pas de la savoir loin de moi. Parce que c’était ce qui arrivait forcément avec toutes mes relations, ça ne me dérangeait pas, parce que je ne tenais pas à ces filles, je me fichais qu’elles souffrent, qu’elles pleurent, qu’elles me supplient de revenir, d’ailleurs, je n’étais pas vexé quand mon départ ne les blessait pas. Mais avec Eliana, c’était différent, encore et toujours. Pourtant, quelque part, j’aurais voulu lui offrir ce changement, j’aurais voulu vivre à plein temps ces grands sentiments, lui montrer chaque jour combien je tenais à elle, et enfin m’autoriser à être avec quelqu’un qui comptait pour moi. Mais j’avais peur… Et j’avais tué son frère. Et qu’est ce que je m’en voulais pour ça! Je revoyais ce chauffeur bourré arriver droit sur nous, et moi, complètement paralysé, incapable de faire quoi que ce soit qui aurait pu lui sauver la vie. Ce soir-là, je crois que j’aurais préféré mourir à sa place, et c’était une idée qui me hantait, chaque jour, chaque soir avant de m’endormir, chaque fois qu’on me parlait d’accidents de voiture, ça revenait dans mon esprit et j’avais envie de mourir. Si la vie avait été un roman ou un film, j’aurais fait un pacte avec la mort pour échanger ma vie contre la sienne. Quand j’étais avec Eliana, parfois, ça me traversait l’esprit, et c’était terrible.
Elle dit que je ne le ferais pas, que je ne l’embrasserais pas. Si ça avait été quelqu’un d’autre, je n’aurais pas réfléchi, et je lui aurais sauté dessus, mais là, Emrys sur son lit d’hôpital ne pouvait quitter mes pensées. Et je me sentais à nouveau, pour la deuxième fois de la soirée, le pire des cons. Elle me demanda des explications, et elle devait en avoir. « Parce que tu me plais, quand tu es là, avec moi je me sens différent. J’ai l’impression d’être dans une vieille comédie sentimentale. » Je m’arrêtais, prenait mon inspiration, l’émotion me gagnant. « Mais la vie n’est pas une comédie sentimental. Pas du tout. » Je pensais à Emrys et à tout ce que j’avais raté dans ma vie, je retenais tant bien que mal les larmes qui me montaient aux yeux.

get that rhythm right.

Je savais que quoi qu’il arrive, j’allais vivre des choses géniales et des choses horribles, comme jusqu’à maintenant. Derrière toute souffrance, il y avait une part de bonheur. Mon frère était décédé, je ne vais pas dire que j’en suis ravie parce qu’à chaque fois que j’y pense, mon cœur se sert et j’ai tout simplement envie de pleurer mais, cela m’avait permis de me rapprocher de mes deux autres frères et j’avais pris conscience que même si on pouvait se rendre la vie impossible, on s’aimait et on ne serait rien les uns sans les autres. Cela m’avait également permis de me rapprocher de Caden et sans l’accident, je ne sais pas si nous en serions là aujourd’hui. Non, surement pas avec Emrys qui voulait refaire le portrait à tous les mecs qui osaient m’approcher de moins d’un mètre. D’ailleurs, je me demande comment il aurait réagi s’il était encore là. Est-ce qu’il nous en voudrait d’avoir agi de la sorte ou est-ce qu’il nous encouragerait à continuer ? Après tout, tout ce qu’il souhaitait, c’était mon bonheur non ? Soupirant, je posais ma tête contre son épaule comme pour m’avouer vécue. J’avais beau essayé de lui expliquer les choses, Caden trouvait toujours quelque chose à redire derrière. Soit il était très pessimiste soit je m’acharnais vraiment pour rien. J’en avais aucune idée, j’étais complètement perdue et ceci était sans doute ma dernière tentative. « Mais la vie mérite d’être vécue. Ecoute, tu feras forcément des erreurs, des fois tu tomberas mais, tu ne pourras que te relever plus fort. Tu peux pas renoncer à tout sous prétexte que c’est flippant parce que tout le monde a peur. Peur de s’attacher, de décevoir, d’échouer et… » Et… Non, stop, je n’avais plus d’autres idées en tête. Je m’arrêtais, me redressais et tournais la tête vers lui. « Je serais toujours là tu sais. » Je préférais le lui rappeler parce que j’avais peur qu’il m’évite dans les prochains jours, qu’il me voit différemment. Quoi qu’il se passerait, je tenais trop à lui pour le perdre. En tout cas, ce qu’il m’avait dit était plutôt touchant, même très, je m’attendais pas à autant de sa part et ça me poussait à garder la tête haute. Après tout, s’il se posait trop de questions aujourd’hui, qui dit que demain ou après demain, même plus tard, il ne changerait pas d’avis ? J’étais pas du genre à baisser les bras aussi facilement et il devait le savoir sinon, je serais déjà partie depuis bien longtemps.

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» CADEN&CLOVIS&ELIANA † don't worry, be happy.
» CADEN x les uns contre les autres
» comme des enfants x Lullaby & Caden
» Eliana J. Everdeen : 269 1220
» ELIANA † livin' in tha fast lane.

CADEN&ELIANA † get that rhythm right.

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